Article à paraitre : Les chevaux taulards (de club) : Qui veut témoigner?

Pour ma part, j'ai eu l'occasion d'arpenter les allées d'un grand nombre de clubs hippiques pendant de nombreuses années… Et au final, je peux assurer qu'ils ne sont pas tous à mettre dans le même panier même si globalement je n'y mets plus les pieds depuis plusieurs années et ça me convient parfaitement...

D'abord les conditions de vie, tous les clubs n'ont pas une cavalerie au box. Certains sont en paddock ou mieux au pré en troupeau.
Le box ou pire la stalle (cheval attaché h24) c'est pour moi une prison… Les chevaux de club ils sont condamnés à la prison à perpétuité sans possibilité de remise de peine dans la plupart des cas…
Certains font la rame toute l'année et ont le droit de passer 2 mois au pré en troupeau en été. D'autres encore envoient leurs chevaux « au vert » l'été… traduisez ça par aller faire la rame en bord de mer logé ou pas en box…
Dans tous les cas, ce n'est pas partout où ils auront tous à manger à leur faim, où ils auront affaire à des professionnels amoureux de leurs chevaux et non du chiffres d'affaires et même à professionnels compétents… Certains connaissent la faim, la violence, en plus de l'ennui et de l'absence totale de liens sociaux (pour des animaux grégaires c'est quand même fort)...
J'ai vu des clubs où les chevaux ne voient pas un brin d'herbe de leur vie complète, des clubs où ils font des aller retours box/manège uniquement parce qu'en carrière ils sont trop contents et c'est dangereux pour les cavaliers. Des clubs où le moindre petit écart de conduite des équidés était soldé par une raclée à coups de pied/cravaches/fourche … Des clubs où les chevaux travaillent malgré des blessures (boiteries ou plaies principalement)… Bref dans beaucoup de club c'est l'horreur : les chevaux sont vieux, usés, arthrosiques avant l'âge. Ils ne sont que des atouts économiques qui doivent rapporter. Quand ce n'est plus le cas, la plupart sont hypocritement envoyés « au pré » mais il vous sera impossible d'aller les voir puisque en fait souvent c'est la boucherie ou le maquignon qui les attendaient… enfin ça bien sûr c'est quand ils ne meurent pas entre 2 reprises de colique le plus souvent mais j'en ai vu deux mourir d'atteintes nerveuses sans que rien ne soit vraiment fait ne serait ce que pour abréger les souffrances… Certains clubs envoient leurs vieilles juments à la reproduction aussi pour avoir une relève à un prix abordable. J'ai ainsi eu l'occasion de cotoyer un cheval de compétition de haut niveau qui une fois sa carrière sportive terminée a fait du club puis quand l'heure de la retraite a sonné il n'a jamais pu se faire au changement de conditions de vie… il est mort d'une colique alors qu'il était encore monté quelques heures par semaine...
Mais j'ai aussi vu des clubs (peu nombreux je l'avoue) où les chevaux sont mieux voir bien traités où en tant qu'atout économique on les bichonne pour qu'ils puissent rapporter de l'argent pendant plus longtemps ou simplement parce que le gérant les aime. Et je connais certains clubs où les cavaliers se cotisent pour racheter un prix modique leurs compagnons d'apprentissage pour leur offrir de vraies retraites au pré avec des copains et même certains clubs (ceux qui ont les finances pour) qui donnent aux cavaliers volontaires leurs compagnons d'armes. Je connais des clubs où les chevaux vivent au pré en troupeau à l'année avec suffisamment à manger et où ils voient les professionnels vétérinaire, maréchal ou autre ostéopathe régulièrement où les malheureux qui ont eu des vies difficiles sont soignés, ont des compléments…
Et surtout, je connais beaucoup de club qui sont un mélange de tout cela avec des bons points et des mauvais points…

Quant aux ex-taulards de club que j'ai la chance de côtoyer au quotidien : il y a :
- mamie ponette, 34 ans (autant pour la longévité des chevaux de club hein?) dans son jeune temps mamie ponette a fait la rame jusqu'à ses 23 ou 24 ans je dirais dans un club en région parisienne et quand je dis la rame c'est les cours et les concours : championne de concours complet mamie poney !! Puis quand elle a été trop vieille elle a fait un bébé à 26 ans… Rachetée par une des cavalières qui la montait enfant et mise en pension dans un autre club qui ne la nourrissait pas… Elle est arrivée avec son fils à la maison à 27 ans squelettique… Il a fallu la remettre en état doucement… Quelle joie la première fois que je l'ai vu galoper… Depuis deux ans environ, l'âge la rattrape elle a le foie et les dents qui ne suivent plus, elle a du mal à se relever l'hiver alors parfois je l'aide, elle est bourrée d'arthrose mais elle est la première à me saluer tous les matins par son petit hennissement caractéristique. Dans tous les cas, mamie poney elle a tout fait elle a tout vu...
- ma grosse dinde, petite jument de trait bretonne de son état, a aussi été cheval de club… Mais elle c'était le grand méchant loup celle qui fait frémir dans les cours de récré. La vie au club était sur le papier plus sympa que pour mamie poney : pré en troupeau, club de balades surtout… Oui mais pas assez à manger pour tout le monde, et comme elle est vite devenue le grand méchant loup ben personne ne s'occupait d'elle… C'est simple elle effrayait tout le monde… Elle a donc connu la violence, la privation et le dur labeur… J'ai eu un gros travail de rééducation pour la miss… Son comportement avec l'humain était complètement biaisé… Pourtant elle ne demandait qu'une chose : qu'on s'occupe d'elle ! Elle garde des stéréotypies de stress en particulier parfois quand je la nourris mais à 18 ans (je l'ai racheté à 10 ans quand c'était ça ou la boucherie) la miss est en pleine forme, super dos dixit le véto et une vie heureuse au pré avec un pote.
- papi cheval, le dernier arrivé à la maison, 22 ans et fraîchement retraité de club… alors oui il a fait la rame, oui il a vécu en box pendant quasiment toute sa vie… mais il vient d'un des rares clubs que j'ai pu connaître qui se soucie de ses chevaux et qui ne les épuisent pas au travail, qui embauchent du personnel compétent pour s'en occuper et qui évitent la violence… pas parfait certes mais mieux que la plupart. Il a débarqué à la maison il y a quelques semaines… j'avais peur qu'il ne se fasse pas à la vie en extérieur avec des copains… en moins d'1h il faisait des papouilles aux copains par dessus le fil… pour un cheval réputé asocial avec ses congénères lorsqu'il était au club c'est quand même fort. Il est en pleine forme. Et je suis ravie de pouvoir lui offrir sa retraite puisqu'il s'agit du cheval que je montais quand j'étais étudiante quand monter était la seule façon d'être auprès des chevaux… Il m'a été donné par le gérant du club… enfin pas tout à fait, les cavaliers du club se sont cotisés pour le racheter (le club a des difficultés financières et doit renouveler sa cavalerie) et pour lui payer le transport : il a fait plus de 1000 km pour me rejoindre…
Tous les trois sont des chevaux à part dans mon cœur ils me montrent au quotidien à quel point les chevaux sont capables de pardonner et de s'adapter.
En fait, presque tous les chevaux que j'ai à la maison sont passés par la case club même si pour les autres ça n'a été l'affaire que de quelques mois… et sans être cheval de club à proprement parler.